L’Ethiopie, aux sources du café.

Récit d’une aventure en terres éthiopiennes, à la découverte de producteurs de café engagés.


Si Nativos a décidé d’aller chercher un nouveau partenaire sur le continent africain, ce n’est pas le fruit du hasard. Nativos travaille maintenant depuis 4 ans avec l’ONG colombienne Serraniagua. Cette relation s’est vue grandir et s’est consolidée au fil des années. Une nouvelle étape devait être franchie pour développer la gamme de « café engagé » proposée à nos torréfacteurs et à vous, consom’acteurs de café.
Alors, après un an de préparation, des centaines de mails, coups de téléphone, un voyage sur place particulièrement compliqué à organiser, nous sommes à quelques heures de recevoir notre tout premier conteneur de café d’Éthiopie ! Voilà le récit d’une aventure en terres éthiopiennes….

 

 

» Un départ tendu, entre pandémie et tensions géopolitiques

• Le café, une histoire indissociablement liée à l’Éthiopie

L’histoire commence durant l’été 2021, avec la rencontre particulièrement intéressante d’un certificateur de la COFRAC (Comité français d’accréditation) qui revenait d’Éthiopie et qui nous a invités à nous pencher sur cette origine et en particulier sur l’une des coopératives qu’il connait bien. Comme vous le savez peut-être, en plus d’être considéré comme le berceau de l’humanité, l’Éthiopie est également le berceau du café, de l’Arabica. Alors, si vous travaillez dans le monde du café de spécialité, aller en Éthiopie, c’est un peu comme un retour aux sources mêmes de votre projet. Découvrir le lieu où tout a commencé, il y a près de deux millénaires…

Mais avec un conflit armé qui dure depuis des années, une pauvreté marquante, un climat géopolitique instable et des organismes souvent frileux à l’idée de travailler avec ce pays, le défi était de taille
Après avoir eu in extremis nos visas en janvier 2022 dû une situation extrêmement tendue entre les tigréens du nord et le gouvernement en place, nous prenons le premier vol, direction Addis Abeba, la capitale.

 

• Les premiers pas en terres éthiopiennes

Une fois sur place, nous profitons d’une journée pour visiter la ville. Nous découvrons une capitale perchée à 2350m d’altitude, la plus haute du continent africain. Addis Abeba ressemble à beaucoup d’autres mégalopoles africaines, qui grouille de vie, d’odeurs, de bruits… mais qui nous marque par sa multiculturalité et son mélange de religions qui cohabitent.

 

L’Éthiopie compte à travers le pays plus de 80 ethnies, 290 dialectes et 4 religions…



La cathédrale Medhane Alem, située dans le centre d’Addis Abeba

 

• Le rituel sacré du “Buna”

Nous découvrons un peuple éclectique très accueillant et plus vraiment habitué à recevoir des occidentaux suite à la pandémie. Nous nous sentons dès les premiers instants, imprégnés par cette « culture café ». De petits stands apparaissent à chaque coin de rue, tenus par des femmes qui torréfient les grains de café et servent sur place le fameux « Buna », ou « café » en amharique.

En Éthiopie, le café est considéré comme un rituel culturel et social sacré. Seules les femmes peuvent le préparer et le servir dans des « djabana », pots en argile noir.

 

• Un pays convoité par les investisseurs

Nous découvrons aussi la fameuse ChinAfrique. Les entreprises chinoises sont à chaque carrefour et le font savoir. La population locale voit plutôt d’un bon œil cette présence asiatique.

Ces dernières années, énormément d’argent a été investi par la Chine en Éthiopie et dans d’autres pays africains. Toutes les grandes infrastructures du pays, routes, ponts, trains etc. portent des noms chinois. L’industrie du textile et de la production de fleurs s’installent également en Ethiopie, profitant d’une main d’oeuvre parmi les moins chères du monde. La question reste à savoir à qui profitent réellement ces investissements.

 


• La Yirgacheffe Coffee Farmers’ Cooperative Union.

Après une brève découverte de la capitale, nous prenons la direction les entrepôts de la Coopérative qui nous a été recommandée, la Yirgacheffe Coffee Farmers’ Cooperative Union (YCFCU), située au sud de la capitale.

L’équipe de la coopérative est là pour nous accueillir, ainsi que le directeur commercial. Nous découvrons un centre logistique et une centrale de tri moderne qui se prépare à recevoir les premières récoltes de café de l’année. Après cette belle découverte dans un vrai climat de confiance, nous prenons la direction du sud… les fameux hauts plateaux de la région de Gedeo, plus précisément dans le district de Yirgacheffe, d’où viennent tous les cafés de la coopérative.

 

• Direction Yirgacheffe

Nous quittons donc la capitale pour un voyage qui durera près de 8h. Les paysages passent de terres arides, voire désertiques, à de la savane. Puis apparaissent les grands lacs, et peu à peu les premières forêts tropicales. Nous arrivons enfin sur les hauts plateaux bordants la vallée du Grand Rift. Nous ferons étape à Dila, centre administratif de la région de Gedeo.

 

» A la rencontre des caféiculteurs

Au petit matin, réveillés par le chant des oiseaux et l’appel à la prière des minarets, dans une atmosphère envoutante, presque mystique, nous prenons la route vers le sud, le fameux district de Yirgacheffe, pour y découvrir les différentes coopératives qui travaillent avec notre futur partenaire, la YCFCU.

• Process Nature

Après plusieurs heures de route sur une piste en terre rouge défoncée, nous arrivons à la première coopérative. Une immense étendue apparait en pleine forêt où des centaines de mains s’affairent autour des fameux lits de séchage où l’on trie et fait fermenter pendant 12 jours les cerises de café.

Nous arrivons en pleine récolte 2021 de café et nous découvrons pour la première fois, le fameux Process Nature.

 

• Colombie / Éthiopie : deux modèles de production distincts.

Nous découvrons alors un autre modèle de production, bien distinct du modèle colombien et particulièrement hiérarchisé. Ce modèle pourrait être segmenté en 3 niveaux :

 

> Les producteurs.  

Des producteurs propriétaires de toutes petites parcelles qui produisent le café, des fruits, des légumes. Les parcelles y sont bien plus petites qu’en Colombie, quelques centaines de m2 parfois. Ces producteurs vendent leurs récoltes journalières à la coopérative la plus proche.


> Les coopératives de producteurs.  

Ces coopératives reçoivent le café juste après la récolte et réalisent l’ensemble du process post-récolte : séchage/fermentation/tri/dépulpage. En Colombie cette étape est réalisée par le producteur. Ici toutes les récoltes sont mélangées.


> La coopérative de coopératives.  

Chaque région d’Éthiopie en possède une. Ces regroupements de coopératives reçoivent le « café parche » pour le transformer en « café vert » avant de l’exporter. Dans le cas de la coopérative de Yirgacheffe, cette étape se passe à Addis Abeba, la capitale.

Avec un modèle de production aussi hiérarchisé et vertical, nous réalisons la difficulté de travailler le micro-lot dans ce pays, mais le gérant de la Coopérative de Yirgacheffe, conscient de notre démarche et soucieux de faire évoluer sa coopérative, saura rapidement nous rassurer.

 

• Un modèle agricole ancien et familiale

Après la visite de la première Coopérative, nous partons visiter plusieurs micro-lots autour de Yirgacheffe. Malgré la barrière de la langue, l’accueil des producteurs y est incroyablement chaleureux.

Nous découvrons des parcelles avec un modèle agricole familiale traditionnel, où la culture du café se fait en pleine forêt. Les caféiers sont depuis toujours cultivés sans aucune machine, aucun intrant et uniquement en agroforesterie, sous ombrage.

Les caféiculteurs sont avant tout des agriculteurs, vivant de leurs petites parcelles pour y cultiver en famille tout ce que la terre a à leur offrir.



• Un café certifié ?

En les questionnant sur la certification Agriculture Biologique, nous découvrons que ce label est plutôt perçu comme une démarche administrative très occidentale, qui vient confirmer un modèle de production durable qui existe pourtant depuis la nuit des temps chez eux.
Même si la qualité de leur modèle de production agricole et cette proximité avec la nature nous séduisent dès les premières visites, nous choisiront par la suite pour des raisons commerciales de certifier notre café AB.

Partout, des sourires éblouissants d’enfants témoignent de la générosité du peuple éthiopien…

 

• Harar, carrefour commercial et culturel

Alors que la décision de travailler avec notre nouveau partenaire de Yirgacheffe était quasiment prise, nous ne voulions pas quitter le pays sans passer par Harar. Cette appellation mondialement connue dans le monde du café et qui porte le nom de l’une des villes les plus anciennes du pays, juchée à 1855m d’altitude, dominant les grandes plaines de Somalie.

Cette ancienne ville fortifiée, considérée comme la 4ème ville sainte de l’Islam, est située stratégiquement à l’est du pays, à 360km de Djibouti, carrefour commercial indispensable aux échanges et au développement de toute la corne de l’Afrique de l’Est.

Nous remontons donc vers le nord-est pendant près de 20h, en 4X4 puis en bus, et nous arrivons à Harar. Une terre hostile et aride nous entoure et nous nous demandons comment le café peut être cultivé dans une région au climat aussi sec.

Les repas des hyènes…

Après une visite de cette magnifique ville sainte, nous décidons d’assister à un étrange phénomène qui a lieu à la tombée de la nuit…. Le repas des hyènes ! Chaque soir, les hyènes sont nourries au pied des remparts de la ville. Une tradition considérée comme un pacte de paix entre les hommes et les hyènes qui, selon la légende, date d’une famine qui menaçait la ville. Certains hommes se sont alors mis à nourrir les hyènes pour éviter qu’elles ne pillent la ville de ses denrées alimentaires. Le spectacle est de taille…

 

• Dire Dawa

Le lendemain nous comprenons que les coopératives du fameux café Harar se trouvent plus bas dans la vallée, près de Dire Dawa, deuxième ville du pays. Nous visiterons une coopérative à la traçabilité incertaine.
Après quelques jours passés entre Harar et Dire Dawa, nous repartons du côté d’Addis Abeba où nous avons rendez-vous avec l’une des plus grosses coopératives de café du pays, la coopérative d’Oromia. L’ampleur de cette structure aux plus de 550.000 coopérateurs confirmera notre choix. Nous préférons travailler avec une coopérative de taille plus humaine, plus proches de ses coopérateurs et de nos valeurs, celle de Yirgacheffe.

La traçabilité et l’engagement sociale et environnemental sont les piliers de notre démarche. Jusqu’à présent, seule la coopérative de Yirgacheffe répond à nos critères.

Cette aventure en terres éthiopiennes a été une véritable chance pour Nativos, notamment en cette période de pandémie et d’instabilité politique. Ce voyage enrichissant aussi bien professionnellement qu’humainement, aura en tout cas renforcé d’avantage notre engagement de sourcer des cafés engagés et de faire tout notre possible pour sauvegarder les dernières richesses de biodiversité dans le monde.
Car malgré ses innombrables richesses, son incroyable diversité ethnique, culturelle et environnementale, l’Éthiopie a devant elle d’énormes défis à relever. Nous avons découvert un pays qui fait face de plein fouet au changement climatique, avec des sècheresses à répétition, mais aussi à une tension politique et militaire qui dure depuis des années. Nous avons découvert un système qui profite souvent aux investisseurs étrangers peu regardant sur les conditions de travail mais particulièrement intéressés par une main d’œuvre parmi les moins chères du monde. L’Éthiopie a donc devant elle d’énormes défis sociaux et environnementaux à relever.

 

Alors, rencontrer la YCFCU a donc été une incroyable opportunité pour Nativos. Après avoir visité plusieurs coopératives, de toutes tailles, à travers tout le pays, nous pouvons nous réjouir d’avoir trouvé un partenaire de confiance, conscient des enjeux de demain et de l’importance de valoriser le travail de ses producteurs.

Nous espérons que le micro-lot choisit vous plaira et que ce projet ambitieux soit le premier d’une longue série de projets en terres africaines.

 

L’équipe Nativos