La justice, le pardon et la reconstruction

Quand on parle du Rwanda, on évoque souvent ses gorilles, ses 1000 collines mais
aussi son histoire tragique, ses violences des années 60 et bien sur, le dernier
génocide de l’histoire moderne, il y a à peine 30 ans… Pourtant ce pays devrait être
d’avantage cité comme un modèle de reconstruction et de paix. En moins d’une
génération, ce tout petit pays, pas plus grand que la Bretagne, a réussi à tourner la
page du passé ensanglanté pour devenir le symbole d’une Afrique unie et moderne.
Retour sur notre voyage au Rwanda, à la recherche de producteurs de café engagés
qui ont su s’unir grâce et autour du café. Des producteurs qui ont réussi à monter ce
petit pays souvent oublié sur la scène internationale du café de spécialité grâce au
fameux Bourbon Rouge rwandais.

1/ Une rencontre
Les aventures Nativos ne sont jamais le fruit du hasard, elles commencent toujours par
une rencontre. Et cette fois, c’est la rencontre avec Aloïs Rutaba, torréfacteur d’origine
rwandaise installé en Ardèche (Kawa Africa) qui marquera le début de cette aventure.
Son histoire, malheureusement commune, nous a touché. Ses parents avaient fui les
violences des années 60 du Rwanda et s’installèrent plus au sud, au Burundi. Là, Aloïs y
grandira, entouré d’autres familles réfugiées rwandaises. Dans les années 80, il
quittera le Burundi avec sa femme pour venir se réfugier en France où il demandera
l’asile politique. Depuis son arrivée en France, Aloïs se bat pour faire connaitre son
pays d’origine, son pays de cœur et faire découvrir le café rwandais.
Aloïs nous propose alors d’aller sur place, à la rencontre des producteurs et d’essayer
de monter une filière d’importation avec ce petit pays bien trop longtemps ignoré des
européens.


2/ Kigali, ville modèle d’Afrique
En arrivant à la capitale, Kigali, nous découvrons une ville qui grouille de vie, d’activité,
mais à la différence de beaucoup d’autres villes africaines, Kigali est extrêmement
propre, organisée, presque… calme. Les routes et les infrastructures publiques sont en
très bon état. Nous découvrons un pays très peuplé mais très organisé. L’ensemble du
territoire semble parcellisé, cultivé, tourné vers l’agriculture. Bananes plantin, avocats,
manioc, riz, thé, café etc. il faut nourrir la population et tout semble pousser dans
cette terre extrêmement fertile qui profite d’un climat tropical plus qu’agréable.
La communication est assez facile. Le français est encore compris de beaucoup. Le
pays a été francophone pendant des dizaines années.

4/ Le café rwandais
Du café rwandais, nous ne connaissions pas grand-chose. Peux sont les torréfacteurs à
proposer cette origine. Pourtant, tous nos clients qui en avaient gouté en gardaient un
excellent souvenir. Le Rwanda, de par sa toute petite surface et ses productions bien
loin derrière les gros exportateurs d’Arabica comme le Brésil, la Colombie, l’Ethiopie
etc. a du faire le choix de la qualité et non de la quantité. Aujourd’hui, presque la
totalité des cultures de café sont composées de Bourbon Rouge. En plus d’être une
très bonne variété, elle n’est que très peu malade dans cette région du monde.
4.1/ L’arrivée du café au Rwanda
Un peu d’histoire…
Le café est arrivé au Rwanda au début du XX siècle, grâce aux missionnaires allemands.
Ce n’est qu’à la fin de la première guerre mondiale que les allemands laissent la
colonie aux belges qui se mettent à exploiter véritablement le café. Les belges y voient
une main d’œuvre pas chère, une terre fertile et se mettent à produire un café bon
marché, à haut rendement et en grande quantité. Les agriculteurs découvrent alors
cette nouvelle culture et ils seront pendant des années exploités par les industriels
belges installés dans la colonie. La culture du café au Rwanda devient de plus en plus
mal perçue par les locaux.

5/ Génocide et crise du café
Mais après le départ des belges, en novembre 1990, les choses s’empirent. Le cours
mondial du café chute et les caféiculteurs se retrouvent livrés à eux même. Cette chute
des exportations et de l’économie du café sera également marquée par la montée des
violences entre Tutsi et Uttus et bien sur, le génocide de 1994. En 4 mois, entre
800.000 et 1 million de personnes perdent la vie. Le 17 juillet 1994, le Rwanda se
réveille de ces atrocités, complètement ruiné, affamé, divisé… L’onde de choc est
mondiale.


4.3/ Reconstruire un pays, une économie, une identité…
Quand un peuple atteint un tel niveau de violence, deux possibilités s’ouvrent alors à
lui : la vengeance ou la paix.
Les rwandais choisiront la paix et le pardon. Le peuple doit alors s’unir pour
reconstruire. Reconstruire toute une économie mais aussi se reconstruire d’un tel
traumatisme. C’est alors que des groupes commencent à se former dans tout le pays.
Des coopératives de femmes violées, de veuves, de personnes handicapées,
d’orphelins rescapés, de seniors isolés etc. Mais peu à peu, les rwandais découvrent
que le café est un moyen de réunir les populations et de reconstruire une économie.

Le notion de « Vivre et reconstruire ensemble » nait alors. Chaque citoyen consacre
son dimanche à travailler pour sa municipalité et reconstruire son quartier. La notion
de Pardon devient également essentielle dans tout le pays. Un pardon, une justice
mais sans aucune vengeance.
Kigali devient alors un symbole de paix dans toute l’Afrique et dans le monde.
3/ France – Rwanda : l’heure de la réconciliation
Pourtant les relations diplomatiques, économiques et culturelles avec la France
semblent totalement rompues. Le pays se tourne vers d’autres partenaires comme les
Etats-Unis et certains pays d’Asie. L’anglais prend alors le dessus et une grande partie
de la population devient anglophone. Les exportations de café vers ces nouveaux
partenaires augmentent considérablement.
Il faudra attendre près de 27 ans pour que la France demande publiquement pardon
au peuple rwandais pour le rôle qu’à jouer le gouvernement de Mitterrand dans le
génocide.
En mai 2021, le président E. Macron en voyage à Kigali, reconnait la responsabilité de
la France dans le génocide rwandais et demande ainsi pardon aux victimes du
massacre de 1994. Les relations franco-rwandaises semblent s’être depuis nettement
améliorées. Le français revient même timidement dans les écoles du pays. Le café de
spécialité rwandais commence à se faire une petite place dans les coffeeshops
français.


5/ Les défis du café rwandais
Pourtant, les défis du pays aux milles collines sont de tailles. Enclavé, le Rwanda
dépend du ports de Dar es Salam en Tanzanie, situé à près de 1000km de Kigali pour
exporter sa production de café. Les coûts de transport sont donc considérables et
freinent les exportateurs. Le changement climatique se fait également ressentir. Lors
de notre voyage, la plupart des coopératives parlaient de -30% de production.

L’importance d’une culture agroferestière est donc croissante et confirme que le
Rwanda, en plus de devoir panser ses plaies sociales doit maintenant faire face aux
défis climatiques à venir.

Conclusion :
Ce voyage au Rwanda nous aura donné une vraie et belle leçon. Nous y avons
découvert un peuple uni, qui n’a comme option que celle de travailler ensemble. Alors
que l’actualité internationale sombre dans les guerres religieuses, culturelles,
économiques, le Rwanda devrait plus souvent être pris comme exemple de paix et de
pardon dans de nombreux pays.

Le café nous montre également son rôle dans la reconstruction du pays. Mais malgré
un choix très intéressant du pays à ne faire que du café de qualité, les défis restent de
tailles.